Les collectes d’objets ethnographiques
Quels critères pour le choix des objets ?
Dans le manuel de 1931 rédigé par Leiris, les directives sur les pièces à récolter sont explicites : le collecteur doit recueillir « toutes espèces d’objets » sans tenir compte de critères tels que la beauté, la rareté, l’ancienneté, le pittoresque ou la pureté de style [12]. Tirées des cours de Mauss [13], de telles instructions sont conformes au point de vue défendu par les principaux responsables de l’Institut d’ethnologie et du Musée d’ethnographie, ou encore par la revue Documents, à laquelle collabore Griaule, Leiris, Rivière et Rivet [14]. Selon ce parti pris anti-esthétique, l’intérêt d’un objet ethnographique se mesure aux renseignements qu’il apporte sur telle ou telle culture, indépendamment de tout jugement de valeur. Un ustensile d’usage courant, même le plus simple et le plus ordinaire, est donc aussi significatif qu’un objet cérémoniel ou prestigieux. Les pièces révélant des emprunts ou des influences extérieures ne sont pas davantage à exclure puisqu’elles constituent de précieux témoignages sur la circulation des objets ou des hommes au-delà de la communauté étudiée.
Le même livret recommande de recueillir les diverses variantes d’un même objet ainsi que des spécimens le montrant aux différents stades de sa confection ou de sa réparation. L’objectif est de constituer des séries ou de repérer les techniques employées, à l’instar des photographies qui décomposent le procès de fabrication ou de restauration. Conformes aux enseignements de Mauss [15], ces instructions sont également proches de celles dispensées à la même époque par le manuel anglais Notes and Queries on Anthropology [16]. Une dizaine d’années plus tard, Griaule donnera à son tour des directives similaires dans ses cours de méthode des années 1940 [17]. Pourtant, ces règles ou ces conseils ne sont pas toujours respectés par les missions ethnographiques des années 1930.