Les collectes d’objets ethnographiques
Modalités de collecte : 3. Le troc
Lors de ses deux premières missions, Marcel Griaule acquiert quelques objets ou manuscrits en les échangeant contre d’autres biens, voire contre des services. Ce troc porte principalement sur les carnets écrits par des Éthiopiens pour répondre à des demandes de recensement ou d’enquête sur tel ou tel sujet. Par exemple en avril 1929, le manuscrit 43 de la collection Griaule est une commande livrée par un prêtre contre « une paire de chaussettes noires et quelques soins » [63]. Les contreparties semblent néanmoins plus conséquentes lors de Dakar-Djibouti. En septembre 1932, Alaqa Ballata reçoit ainsi un revolver, un étui et cinquante cartouches pour plusieurs recensements consignés dans des carnets [64].
Le même mode d’acquisition s’applique parfois aux peintures anciennes conservées dans les églises éthiopiennes. Dès le départ, la mission Dakar-Djibouti compte sur le peintre Gaston-Louis Roux pour exécuter des copies et les troquer contre des oeuvres originales en prétextant leur mauvais état [65]. Un tel échange s’effectue parfois clandestinement, avec la complicité de prêtres éthiopiens et une gratification en argent [66], mais il prend également une dimension publique et inattendue avec le démarouflage et le remplacement de la totalité des peintures murales de l’église Abba Antonios de Gondar. Toutefois, dans ce dernier exemple, il s’agit moins d’un troc explicite que d’une discrète et habile substitution que les ethnographes présentent stratégiquement comme une forme de restauration gracieuse et désintéressée.