Mission Paulme-Lifchitz
Les résultats scientifiques
Rester aussi longtemps sur le terrain permet également à Deborah Lifchitz et Denise Paulme de travailler sur des sujets très différents de ceux de Marcel Griaule, ainsi que de ceux auxquels leur entourage souhaitait les voir s’intéresser. Plutôt qu’une documentation portant exclusivement sur la vie religieuse ou féminine, Denise Paulme s’emploie ainsi à recueillir des informations sur les multiples aspects de la vie économique et sociale des Dogon. De retour à Paris, elle est en mesure de rédiger plusieurs articles ainsi qu’une thèse volumineuse, qu’elle soutient en 1940 et publie la même année sous le titre Organisation sociale des Dogon. Quant à Deborah Lifchitz, elle se concentre sur son domaine de prédilection – la littérature orale – et recueille, transcrit et traduit des paroles qu’elle ne sélectionne pas seulement dans le champ religieux comme les priorités de Griaule auraient pu l’y inciter. Elle réunit ainsi un important corpus de textes qui, s’il inclut des prières ou des chants associés à des rituels, comprend également des chants de divertissement et de travail, des berceuses, des devinettes, des contes ou des récits de fondation de village. En parallèle à ses travaux sur la littérature orale, Deborah Lifchitz recueille également des informations sur des sujets plus proches des préoccupations de Denise Paulme, et donc susceptibles d’étayer les enquêtes de celle-ci. Réciproquement, Denise Paulme s’occupe elle aussi de collecter des chants, des devinettes et des contes pour enrichir le répertoire de son amie. Une telle collaboration sur le terrain se concrétise, au retour de la mission, par la publication de plusieurs articles signés de leurs deux noms. Aucune des deux jeunes ethnologues, en revanche, ne rédige d’articles de reportage ou de récits de voyage : contrairement à leurs collègues masculins, les femmes anthropologues de l’entre-deux-guerres, soucieuses de s’affirmer comme de véritables scientifiques, ne publient pas d’écrits personnels et littéraires à leur retour de mission.