Mission Abyssinie
Les méthodes d’enquête et de notation
Au cours de ses enquêtes orales, Griaule note les informations qu’il recueille sur des fiches non quadrillées ou, plus marginalement, sur des carnets thématiques lorsqu’il prévoit d’emblée d’écrire un article sur tel ou tel sujet. Ces carnets ont donc la forme et le statut d’une prépublication monographique, à l’instar du calepin sur les nœuds : renseignements et croquis sont en effet repris tels quels, parfois dans leur ordre initial de rédaction, pour être publiés sous forme de note ethnographique[3]. Quant aux fiches, elles sont toutes classées dans un fichier à l’entrée thématique correspondant à leur titre. Pour composer un article descriptif sur une question précise, Griaule peut ainsi puiser dans ce fichier une liasse d’informations, sur la culture du café par exemple[4].
Conformément aux recommandations de Mauss, Griaule confie également des carnets vierges à des lettrés éthiopiens afin qu’ils procèdent eux-mêmes à des enquêtes sur des thématiques convenues à l’avance : funérailles, mariage, moisson, proverbes, histoires locales, biographies, règles ecclésiastiques… Illustrés parfois de dessins, en particulier lorsque les enquêteurs sont des peintres, les résultats de leur recherche sont consignés en amharique au recto de chaque feuillet et, sur la page située en vis-à-vis, Griaule ajoute éventuellement traductions et commentaires.
Lorsqu’ils font le tour d’une question, ces manuscrits sont là encore traités comme des recueils d’informations publiables tels quels, sans coupe ni modification. Griaule signe ainsi un article sur « Le mariage et la mort au Godjam »[5] tout en le présentant explicitement comme la traduction littérale d’un carnet écrit par son principal collaborateur éthiopien, Lidj Djemberi, délégué auprès de la mission par le prince Haylou.
Grâce à ses rapports ou à sa correspondance, nous savons que Griaule s’est servi d’une caméra sur le terrain, mais les films qu’il rapporte sont inexploitables. En revanche, il prend environ 725 photographies d’assez bonne qualité. Il s’agit de plaques de verre de format 9 x 12 ou 6 x 13, en noir et blanc. Ces photographies, qui ont valeur de témoignage, couvrent toutes les observations faites par Griaule depuis Djibouti : paysages, églises, portraits, activités artisanales, culinaires ou agricoles, cour du ras Haylou, jeux, caravane de la mission, peintures, objets divers, etc. Si on les compare aux clichés des missions suivantes, elles se distinguent toutefois par l’absence de séries rendant compte des étapes d’une cérémonie ou d’une activité technique, et par la présence de nus académiques d’inspiration orientaliste à la place de portraits anthropométriques.