Ethnologie musicale
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Durant ses deux premières missions africaines, les collectes les plus importantes de Schaeffner sont de nature sonore. En 1932, il rapporte de son premier séjour vingt-cinq enregistrements sur cylindres, ce qui représente environ une heure trente de musique[4]. Très fragiles, les cylindres de cire supportent difficilement la chaleur et limitent la gravure à une durée d’environ quatre minutes. Par ailleurs, ces enregistrements ne sont pas très importants en quantité, si on les replace dans un contexte international : dans le domaine de l’ethnomusicologie, des efforts plus importants ont été fournis dès les décennies précédentes dans plusieurs pays, par exemple aux États-Unis, en Europe de l’Est ou en Allemagne, mais sans être nécessairement accompagnés d’un travail ethnographique équivalent.
Dans l’histoire de l’anthropologie, des missions britanniques de longue durée ont également abouti à des enregistrements plus nombreux. Il n’en reste pas moins que la première collecte musicale de Schaeffner est assez riche et diversifiée sur le plan vocal et instrumental dans la mesure où elle rassemble plusieurs chants, chœurs et instruments différents. Quelques années plus tard, Schaeffner grave dix-huit cylindres au cours de la mission Sahara-Soudan, mais ces enregistrements d’une quarantaine de minutes au total témoignent d’une enquête plus circonscrite puisqu’il s’agit essentiellement de séquences rythmiques frappées sur un tambour de bois, à Sanga[5] (agglomération dogon située au Soudan français, actuel Mali).
Il est plus surprenant de constater que Schaeffner collecte peu d’instruments de musique alors qu’il consacre une partie importante de son terrain à les observer et à les décrire. Parmi les deux cent dix instruments rapportés au Musée d’ethnographie du Trocadéro après la mission Dakar-Djibouti, la plupart sont des jouets d’enfants et des sistres associés aux rites de circoncision, c’est-à-dire des objets liés aux études thématiques de Marcel Griaule et de Michel Leiris[6]. Une explication paradoxale réside peut-être dans le caractère systématique du travail organologique de Schaeffner, pour qui l’accumulation de nombreuses fiches détaillées sur un grand nombre d’instruments était sans doute plus précieuse que la présence de quelques objets derrière les vitrines du musée.