Cinéma ethnographique
Quêtes mythologiques et désamour cinématographique
De 1946 jusqu’à sa mort en 1956, Griaule ne réalise plus aucun film au cours de la dizaine de missions qu’il effectue au Soudan français. Surprenante à bien des égards, une telle évolution s’explique avant tout par les nouvelles orientations de ses recherches. Après-guerre, Griaule ne cherche plus à enregistrer la réalité observable à des fins de témoignage et d’inventaire exhaustif ; il recentre ses études sur la cosmogonie et le système symbolique qui régirait selon lui la société dogon.
Il continue néanmoins à faire des photographies, mais son rapport à l’image a changé : les mythes et le discours savant de ses informateurs privilégiés priment désormais sur les preuves visuelles. Ses clichés sont dès lors sélectionnés en fonction des normes symboliques établies par écrit afin d’illustrer et d’authentifier le récit cosmogonique qu’il publie. Les dessins de Griaule et de ses informateurs prennent également une importance déterminante. Qu’il s’agisse de schémas explicatifs ou de croquis retouchés par rapport aux clichés dont ils sont tirés, ils dessinent un monde idéel conforme au mythe au lieu de reproduire fidèlement les scènes ou les objets observés, photographiés ou filmés [98]. Or, les films ethnographiques se prêtent mal à de telles transformations du réel et perdent donc une grande partie de leur intérêt aux yeux de Griaule.