Cinéma ethnographique
L’autorité des ethnologues
À l’inverse de la plupart des documentaires antérieurs sur l’Afrique [82], ceux réalisés par Griaule ne sont pas les miroirs promotionnels de telle ou telle expédition. D’ailleurs, ils ne montrent jamais les déplacements des ethnographes et leurs génériques précisent simplement qu’ils ont été tournés au cours « d’une mission officielle dirigée par Marcel Griaule », sans préciser l’année ou le nom de cette expédition.
Ces films n’en légitiment pas moins le travail et la position de l’ethnographe en faisant de lui le docte spécialiste d’un objet d’étude clairement identifié, en l’occurrence une société isolée et irréductiblement différente, épargnée par le machinisme et par les contaminations extérieures. Images et commentaires incessants consacrent en effet l’autorité scientifique de l’ethnologue, et en particulier du chef de mission.
Griaule ne se contente pas d’expliquer chaque scène par la voix d’un tiers, avec l’assurance d’un expert [83] ; au début de Sous les masques noirs, il apparaît aussi en gros plan, carnet de note à la main, face à l’informateur Ambibé Babadyi et à l’interprète Dousso Wologuem. Filmé en contre-plongée pendant qu’il tente de saisir par écrit « toute la technique, toute la mystique du masque [84] », il incarne dans cette séquence le jeune ethnographe dominant entièrement son sujet (voire son terrain).